Oublions un instant les farces de Loki, la recherche de sagesse d’Odin ou encore la vengeance du meurtre de Baldur pour nous intéresser à des divinités nordiques plus primitives encore. Au cœur de ces écrits se trouve le mythe d’Audhumla, la vache primordiale dont la langue lécha les premières formes de vie dans le givre gelé du Niflheim. De cette rencontre avec le sel de glace surgit Búri, l’ancêtre des dieux nordiques. Découvrons ensemble ce conte fondateur, qui façonne le cadre de la mythologie nordique.
I. L’émergence d’Audhumla dans le Niflheim
Audhumla est une figure primordiale de la mythologie nordique, symbolisant l’origine de la vie dans le cosmos. Elle naît du givre de Niflheim et du souffle chaud de Muspelheim, lorsque les éléments de glace et de feu se rencontrent dans le vide primordial de Ginnungagap. Audhumla est décrite comme une vache géante sans cornes, dont le nom en vieux norrois, « Audhumbla », signifie « vache de richesse » ou « vache abondante », faisant allusion à son rôle nourricier et fécondant. Ce caractère divin est renforcé par les quatre rivières de lait qui coulent de ses trayons, et qui nourrissent le géant Ymir, le premier être vivant issu de la collision des mondes du feu et de la glace.
Audhumla n’est pas seulement nourricière, elle joue également un rôle actif dans la genèse cosmique. En léchant les blocs de glace autour d’elle, elle révèle progressivement un autre être divin, Búri. Ce travail minutieux, comparable à un acte de création, montre Audhumla comme une figure mère, non seulement pour Ymir mais aussi pour la lignée des dieux. Dans certaines interprétations modernes, Audhumla est parfois vue comme une métaphore de la Voie Lactée, en raison des références au lait et aux rivières de lait qui nourrissent Ymir.
II. La création de Búri par Audhumla
La naissance de Búri, ancêtre des dieux nordiques, est l’un des épisodes les plus symboliques du mythe d’Audhumla. Pendant trois jours, Audhumla lèche les blocs de glace autour d’elle, révélant progressivement Búri, dont la chevelure apparaît le premier jour, suivie de sa tête et, enfin, de son corps entier. Ce processus évoque non seulement la création, mais aussi la lente émergence de l’ordre divin à partir du chaos du Ginnungagap. Búri, le premier dieu, est ainsi libéré du givre primordial par la vache nourricière. Son apparition marque le début de la lignée divine dans la mythologie nordique, car de lui naîtra Bor, qui avec la géante Bestla engendrera Odin, Vili et Vé, les trois premiers dieux Ases.
Búri, bien que discret dans les récits mythologiques, revêt une importance capitale en tant que premier ancêtre des dieux. Sa descendance divine est responsable de l’organisation et de la structuration du cosmos.
III. La création de l’univers selon la mythologie nordique
La création de l’univers dans la mythologie nordique repose sur le sacrifice du géant primordial Ymir. Ce dernier, né de la collision entre le feu de Muspelheim et la glace de Niflheim, est nourri par le lait d’Audhumla, mais son existence représente un chaos originel que les dieux décident de transformer en ordre. Les trois fils de Bor et Bestla — Odin, Vili et Vé — jouent un rôle central dans cette transformation. Ensemble, ils tuent Ymir, et de son cadavre, ils façonnent le monde : la terre est créée à partir de sa chair, les océans à partir de son sang, les montagnes de ses os, et la voûte céleste à partir de son crâne. Les dieux placent ensuite quatre nains, Austri, Vestri, Nordri et Sudri, aux quatre coins du monde pour soutenir le ciel.
Le corps d’Ymir devient ainsi la matrice de l’univers, un modèle de cosmogonie où le sacrifice primordial permet de faire émerger le cosmos à partir du chaos. Ce schéma est comparable à d’autres mythologies où la mort d’un être primitif permet la structuration du monde. Les frères divins créent également Midgard, le royaume des hommes, et le protègent de la menace des géants grâce à une muraille construite à partir des cils d’Ymir. Enfin, les premiers humains, Ask et Embla, sont façonnés à partir de troncs d’arbres trouvés sur une plage. Ce monde, né du cadavre d’un géant, est maintenu dans un fragile équilibre cosmique, reflété par la présence de l’arbre-monde Yggdrasil, dont les racines relient les différents mondes de l’univers nordique.
Le mythe d’Audhumla, de Búri et de la création de l’univers continue d’influencer la culture moderne, notamment à travers la littérature, le cinéma et la symbolique populaire. Audhumla, souvent vue comme un symbole de fertilité et d’abondance, trouve des échos dans diverses représentations artistiques et philosophiques. La cosmogonie nordique, avec ses thèmes de sacrifice, de régénération et d’ordre cosmique issu du chaos, inspire également des œuvres contemporaines qui explorent les origines de l’univers. De plus, l’image d’Ymir et de la création du monde à partir de son corps résonne avec des concepts modernes de transformation et de renouvellement, utilisés dans des récits fictifs ou philosophiques.