Représentation du dieu mésopotamien Shamash - AI generated
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Dès les premiers temps de l’histoire humaine, le soleil a été vénéré, craint et chanté. Pour les Mésopotamiens, cette sphère ardente était personnifiée par Shamash, une divinité haute en couleur. Qui était vraiment Shamash? Comment sa présence a-t-elle influencé la vie des anciens peuples du croissant fertile? Quelles aventures, quels conflits et quelles passions ont façonné sa légende?

Représentation du dieu mésopotamien Shamash - AI generated

I. Qui était Shamash?

Shamash, connu sous le nom de Utu en sumérien, est l’incarnation du Soleil dans le panthéon mésopotamien. Son nom akkadien, dérivé de la racine sémitique « šamšu », signifie directement « soleil » ou « jour », illustrant son rôle fondamental dans la lumière et l’ordre cosmique. Fils du dieu-lune Sîn et de la déesse Ningal, Shamash est également le frère jumeau d’Inanna (Ishtar), déesse de l’amour et de la guerre. Dans la mythologie mésopotamienne, il est vu comme le garant de la justice et de l’équité, illuminant le monde pour révéler les vérités cachées et juger les hommes comme les esprits.

Le rôle de Shamash dans le panthéon est multiple. En tant que dieu solaire, il est associé au cycle quotidien du Soleil. Chaque matin, il émerge des portes orientales du ciel, traverse le firmament sur son char guidé par son vizir Bunene, et termine sa course à l’ouest. Ce cycle symbolise son rôle de surveillant omniprésent : tout ce qui se passe sur terre est observé par Shamash, garantissant ainsi justice et vérité. Son association avec les Enfers, où il rend justice la nuit, renforce sa capacité à juger aussi bien les vivants que les morts.

Ses attributs iconographiques comprennent le disque solaire, souvent entouré d’un cercle et de rayons lumineux, et une scie recourbée (šaššâru), un symbole de justice divine utilisé pour « trancher » les montagnes ou les conflits. Shamash est aussi accompagné de deux figures personnifiant ses valeurs : Kittu (la Vérité) et Misharu (l’Équité). Ces symboles et ces rôles ont fait de lui un dieu profondément respecté, non seulement comme porteur de lumière et de chaleur, mais aussi comme juge impartial.

II. Son rôle dans le panthéon mésopotamien

Chaque dieu avait son domaine, et Shamash régnait sur l’astre solaire. Cela le plaçait dans une position de grande importance. La lumière du soleil était cruciale pour la vie, mais il y avait une autre dimension dans son culte : la justice. Il était courant pour les Mésopotamiens d’invoquer ce dieu dans les affaires juridiques (il jetait la lumière sur une affaire?…. bon, ok, c’était un peu facile), car ils croyaient qu’il pouvait voir la vérité, même si elle était cachée. Cette dualité, entre le physique et le moral, rendait le culte de Shamash unique.

Avez-vous entendu parlé du code de Hammurabi ? Il s’agit de l’une des plus anciennes lois écrites de l’histoire, et il est dédié à Shamash en tant que dieu de la justice. Le code établit les principes de la loi, de la justice et de l’équité, et il présente le dieu comme le gardien de ces valeurs. Le code de Hammurabi proclame que Shamash a donné le code au roi Hammurabi pour régir son royaume.

III. Son culte

Shamash était adoré dans ses temples principaux, appelés Ebabbar (« Maison brillante »), situés à Sippar et à Larsa. Ces sanctuaires, dotés de ziggurats, étaient non seulement des lieux de culte mais aussi des centres économiques et administratifs. Le clergé de Shamash incluait des prêtres, des chantres et des prébendiers, tandis que des femmes consacrées, les naditum, vivaient cloîtrées près du temple pour honorer le dieu et sa parèdre Aya (déesse de l’Aube). Les rituels associés à Shamash incluaient des prières pour la justice, des actes de divination (notamment l’hépatoscopie, ou lecture des foies d’animaux), et des incantations visant à repousser les malédictions ou les esprits malveillants. Son culte a perduré jusqu’à l’ère hellénistique, trouvant même un écho dans des villes comme Hatra, où il était assimilé au dieu solaire Sol Invictus.

IV. Conflits et querelles

Shamash, le dieu solaire et garant de la justice, joue un rôle clé dans plusieurs légendes mésopotamiennes, illustrant sa bienveillance et son soutien constant envers les dieux et les hommes. Ses décisions façonnent les destins, qu’ils concernent des héros, des rois ou des créatures divines.

Shamash dans l’Épopée de Gilgamesh

Dans cette épopée légendaire, Shamash se révèle un allié puissant et protecteur. Lorsque Gilgamesh et son ami Enkidu partent défier Humbaba, le démon gardien de la forêt des Cèdres, Shamash intervient en leur faveur. Il leur fournit un appui divin sous forme de vents puissants qui paralysent Humbaba, permettant aux héros de le vaincre. Cet épisode reflète non seulement le rôle de Shamash comme un dieu bienveillant qui soutient les justes, mais aussi son pouvoir cosmique qui renverse les forces du chaos.

Le Mythe d’Etana

Dans ce récit, Shamash agit comme un médiateur et un guide pour le roi Etana, qui cherche désespérément une plante de fertilité pour assurer la descendance de son royaume. Alors qu’un aigle et un serpent se querellent, Shamash intervient pour rendre justice et restaurer l’ordre naturel. Plus tard, il répond aux prières d’Etana en lui indiquant comment atteindre le ciel avec l’aide de l’aigle.

Le Rêve de Dumuzi

Dans le poème intitulé Le Rêve de Dumuzi, Shamash joue un rôle clé en sauvant le berger Dumuzi, amant d’Inanna, des démons galla qui cherchent à l’emmener aux Enfers. Grâce à ses conseils et à son intervention divine, Dumuzi parvient à échapper temporairement à son destin funeste.

Les Portes du Ciel et des Monts

Chaque jour, Shamash accomplit son voyage à travers le ciel, un acte cosmique qui contient des aspects mythologiques marquants. Dans certaines légendes, son voyage commence à l’est, où les hommes-scorpions, gardiens des montagnes Mashu, ouvrent les portes célestes pour laisser passer son char flamboyant. Le soir, il descend dans les Enfers à l’ouest, où il continue de rendre justice aux morts avant de regagner les montagnes orientales par des passages souterrains.

Shamash et la justice divine

Shamash est également invoqué dans des rituels et des récits où il tranche des conflits complexes. Dans des procédures de divination, il éclaire les réponses cachées dans les entrailles des animaux sacrifiés, assurant que ses messages sont interprétés correctement. Cette fonction de médiateur s’étend également aux pactes royaux et aux serments, où il garantit l’honnêteté et punit les parjures. Son rôle dans le Code de Hammurabi en tant que garant des lois illustre son influence sur l’ordre social et cosmique.

V. Ses amours et sa descendance

Shamash était marié à Aya, également appelée Sherida en sumérien, déesse de l’amour sexuel, de la lumière et de la jeunesse. Leur union symbolisait l’équilibre entre le jour et l’aube. De cette union divine naquirent deux figures personnifiant ses valeurs : Kittu (la Vérité) et Misharu (l’Équité), qui l’assistaient dans ses fonctions de juge suprême. Le couple divin participait à des cérémonies sacrées, comme le Hasadu, un rituel néo-babylonien où leurs statues étaient symboliquement allongées côte à côte pour renouveler leurs vœux. Ces éléments renforcent l’image de Shamash comme un dieu profondément lié à l’ordre cosmique et à l’harmonie.

Bien que le culte de Shamash ait disparu avec la chute des grandes civilisations mésopotamiennes, son influence se fait encore sentir dans des concepts modernes. Le disque solaire ailé, l’un de ses symboles, a été adopté par plusieurs cultures, y compris les Perses achéménides pour représenter Ahura Mazda. Dans la religion abrahamique, certains aspects de Shamash — comme son rôle de juge divin et de lumière du monde — trouvent des parallèles dans les descriptions de Dieu ou du Christ. En outre, le Code de Hammurabi, proclamé sous son égide, reste l’un des premiers témoignages de la codification des lois humaines, marquant durablement l’histoire juridique.