Représentation de Nidaba, divinité de la mythologie mésopotamienne - AI generated
Rate this page

Au cœur des récits de la mythologie mésopotamienne se trouve Nidaba, une déesse vénérée pour sa sagesse inégalée et son rôle crucial dans la transmission du savoir. Nidaba, telle une gardienne dévouée, veillait à ce que le pouvoir de la connaissance demeure intarissable, influençant la compréhension de la sagesse et de l’écriture à travers les époques. Percez aujourd’hui le mythe de cette déesse mésopotamienne.

Représentation de Nidaba, divinité de la mythologie mésopotamienne - AI generated

I. L’Origine de Nidaba

Nidaba (ou Nisaba, parfois Nanibgal) est l’une des plus anciennes divinités de la Mésopotamie, vénérée dès le IIIe millénaire av. J.-C., principalement en Basse Mésopotamie, dans des cités telles qu’Umma, Lagash ou encore Eresh. Dans les différentes traditions sumériennes, ses origines varient légèrement. Elle est le plus souvent décrite comme la fille du dieu céleste An et de la déesse Urash, une personnification de la terre, mais d’autres récits la présentent comme la fille de Ninhursag, la grande mère primordiale, et donc la sœur de Ninsun, déesse de la santé et mère de Gilgamesh.

Certaines traditions vont plus loin en faisant de Nisaba la mère de Ninlil, future épouse du dieu Enlil, ce qui ferait d’elle la belle-mère du roi des dieux. Ces filiations multiples témoignent de la richesse des traditions locales en Mésopotamie et de l’importance symbolique de cette divinité. D’abord liée à l’agriculture et notamment aux céréales, elle est appelée « Dame de la répartition du grain », et était représentée, à l’origine, sous la forme d’une tige végétale stylisée, symbole de fertilité.

II. Son rôle dans le panthéon mésopotamien/sumérien

Avec l’apparition de l’écriture vers 3500-3000 av. J.-C., le rôle de Nisaba se transforme : elle devient la déesse de l’écriture, de l’apprentissage, de la sagesse et des scribes. Comparée à Thot en Égypte ou Seshat, elle est considérée comme la scribe des dieux, gardienne des archives célestes et patronne des écoles de scribes (E-DUB-A). Elle tient les registres des temples, conserve les comptes divins et humains, et surveille les limites territoriales. À ce titre, elle symbolise non seulement la connaissance, mais aussi l’organisation du monde. Enki, dieu de la sagesse, lui confie la gestion de l’écriture et lui construit une école. Toutefois, à l’époque babylonienne, son influence décline, éclipsée par Nabû, fils de Marduk, qui reprend ses fonctions de dieu de l’écriture et de la sagesse. Nisaba devient alors sa consort, reléguée à un rôle secondaire, mais jamais totalement oubliée.

III. Les légendes qui lui sont associées

Bien que Nisaba ne figure pas dans les grandes épopées guerrières mésopotamiennes, elle joue un rôle dans les textes sacrés et les récits cosmogoniques liés à la naissance de la civilisation. Dans le mythe fondamental « Enki et l’Ordre du Monde », c’est Enki, dieu de la sagesse, qui lui confie solennellement la maîtrise de l’écriture. À ce moment-là, Nisaba est encore uniquement la déesse du grain, mais Enki lui accorde une place éminente dans le panthéon en l’élevant au rang de scribe des dieux. Pour remplir sa mission, il lui construit une école, où elle pourra enseigner la connaissance et guider les hommes. À partir de ce récit, elle devient la gardienne des archives divines, la conservatrice des chroniques et la bibliothécaire céleste. Dans les hymnes dédiés aux rois d’Ur III et d’Isin, on attribue à Nisaba le don de l’intelligence mathématique et comptable, la rendant indispensable à la bonne gouvernance des cités.

Dans une vision célèbre, le roi Gudéa la voit tenant un stylet en or et consultant une tablette céleste sur laquelle figure la carte du ciel — une image saisissante qui la lie autant aux mathématiques et à l’astronomie qu’à l’art de l’écriture. Nisaba est aussi mentionnée dans les invocations rituelles, les malédictions, et les bénédictions, ce qui témoigne de l’étendue de son influence dans les domaines spirituels, politiques et savants.

Même si elle est aujourd’hui moins célèbre que des figures comme Inanna ou Marduk, Nisaba incarne un moment fondamental de l’histoire de l’humanité : la naissance de l’écriture. Son association directe avec le développement du cunéiforme, de l’alphabétisation, et de la transmission du savoir lui confère une place symbolique majeure dans l’histoire des civilisations. On retrouve son héritage dans les formules de clôture des tablettes d’école, comme « Louange à Nisaba », et même dans la signature de la première auteure connue, Enheduanna. Dans la culture populaire, Nisaba est parfois évoquée dans des œuvres littéraires, des jeux de rôle historiques ou des projets éducatifs autour de l’écriture antique. Elle reste une icône silencieuse mais puissante de la mémoire, du savoir et de l’intelligence féminine, un archétype de la scribe inspiratrice et de la gardienne du savoir. Sa figure mythique est d’autant plus actuelle que l’écriture, qu’elle a symboliquement initiée, continue d’être l’outil central de la transmission humaine.