Si je vous parle d’une divinité du désert, de la stérilité et du chaos, à qui pensez-vous ? Seth est sans doute l’une des figures les plus énigmatiques de la mythologie égyptienne. Associé à la sécheresse, au chaos, mais aussi à la protection, Seth évolue dans une constellation de mythes qui dessinent une image multifacette de sa personnalité.
I. Qui est Seth ?
Ah, Seth ! Une divinité que beaucoup trouvent mystérieuse, voire contradictoire. Si vous fouillez les annales de la mythologie égyptienne, vous trouverez Seth décrit à la fois comme le perturbateur des ordres établis et le gardien qui défend le soleil des menaces nocturnes. Intriguant, non ?
Contrairement à d’autres divinités au visage clairement identifiable, Seth est souvent associé à un animal qui n’existe pas dans la réalité. Une bête dont le corps rappelle celui de l’aardvark, mais qui porte également des caractéristiques du fennec et du chien sauvage. Une chimère, en somme.
Mais que signifie cet animal énigmatique ? Pour certains, il est une représentation du chaos et de l’étrangeté que Seth incarne. Pour d’autres, il s’agit simplement d’un animal aujourd’hui disparu, dont nous avons perdu toute trace excepté dans ces représentations antiques.
II. Ses symboles et représentations
À travers les époques, ses représentations ont évolué. Au début de l’histoire égyptienne, il était vénéré comme un dieu du désert, le protecteur des oasis. Dans les récits des temps anciens, il est souvent décrit portant le sceptre Was (sceptre Ouas), symbole de puissance et de domination.
Toutefois, alors que les dynasties se succédaient et que les croyances changeaient, le regard porté sur cette divinité évoluait également. De dieu protecteur des zones arides, il devint peu à peu le symbole du chaos, représentant tout ce qui s’opposait à l’ordre établi par Maât, la déesse de la justice et de l’équilibre.
Cette transformation de l’image de Seth n’était pas sans raison. Elle était en grande partie influencée par les tumultueux mythes qui entouraient ce dieu. Parlons-en.
III. Les Conflits Mythiques de Seth
Savez-vous que derrière chaque grande dynastie, il y a souvent une histoire de trahison, de pouvoir et d’ambition ? La mythologie égyptienne ne fait pas exception à cette règle.
A. La rivalité avec Horus
La querelle entre Seth et Horus est l’une des plus célèbres de l’histoire égyptienne. Mais pourquoi ces deux divinités, oncles et neveux, en sont-elles venues à se déchirer ?
La réponse se trouve dans une histoire de trône et de vengeance. Seth, jaloux du pouvoir de son frère Osiris, le tua et prit le contrôle du royaume d’Égypte. Horus, le fils d’Osiris, chercha à venger la mort de son père et à récupérer le trône qui lui revenait de droit.
Cette guerre divine a donné lieu à de nombreuses histoires et mythes, dont l’une des plus poignantes est celle de la « Lutte d’Héliopolis ». Selon cette légende, Seth et Horus se sont affrontés dans un combat titanesque qui a duré plus de 80 ans. Chacun cherchait à prouver sa légitimité pour gouverner le royaume, à travers des épreuves physiques, des duels magiques et même des ruses diplomatiques.
B. La mutilation d’Osiris et la vengeance de Horus
La manière dont Seth est parvenu à assassiner son frère Osiris est le reflet de la duplicité et de la ruse de cette divinité. Il organisa une fête grandiose et présenta un magnifique sarcophage, promettant qu’il serait offert à quiconque pourrait y entrer parfaitement. Osiris, naïvement, essaya de s’y allonger. Son frère, avec l’aide de ses complices, ferma le sarcophage et jeta Osiris dans le Nil. (En prenant l’initiative de le découper en 14 morceaux qui se répandirent aux quatre coins de l’Egypte pour éviter qu’il ne soit ressusciter)
La douleur de la perte de son père poussa Horus à chercher justice. Mais pour un jeune dieu face à son oncle expérimenté et rusé, la route serait longue et pleine d’embûches.
IV. Seth et la mer Rouge
Peu de gens savent que Seth avait également une grande affinité avec la mer. Dans certains mythes, il est décrit comme étant le dieu de la Mer Rouge, le lien entre l’Égypte et les terres lointaines. Mais pourquoi la mer ?
La mer, dans la mentalité égyptienne, était souvent associée au chaos, à l’incertitude. Elle était imprévisible, tout comme le dieu fratricide. Ainsi, cette association n’était pas fortuite, mais plutôt une représentation de la nature versatile de cette divinité.
V. Seth, un dieu aimé ?
Si l’on se penche sur les villes antiques de l’Égypte, on s’aperçoit que Seth n’était pas toujours détesté ou craint. Il avait ses adorateurs, ses temples, ses prêtres. À Ombos, sa ville culte, Seth était vénéré comme un dieu majeur. Mais pourquoi cet amour pour une divinité souvent associée au chaos et à la trahison?
Une des raisons pourrait être sa fonction de protecteur. Seth, malgré son caractère capricieux, était aussi celui qui défendait le bateau solaire de Râ des menaces du serpent Apophis lors de sa traversée nocturne. Sans Seth, le soleil n’aurait jamais pu renaître chaque matin. Ironiquement, ce dieu du chaos était aussi celui qui empêchait le monde de sombrer dans le chaos total.
VI. Amours et Descendance
Chaque divinité, aussi puissante et redoutée soit-elle, cherche l’amour, la compagnie et la postérité. Et Seth ne fait pas exception. Si ses querelles avec Horus et la trahison envers Osiris sont célèbres, sa vie amoureuse l’est un peu moins.
Seth était marié à Nephthys, la sœur d’Isis. Ensemble, ils n’avaient pas d’enfant, mais cela n’a pas empêché Nephthys de vouloir une descendance. Selon certaines légendes, elle se serait déguisée en Isis pour séduire Osiris. De cette union est né Anubis, le dieu des embaumements et des nécropoles. C’est un des grands drames de Seth, car non seulement il ne reconnaissait pas Anubis comme son fils, mais ce dernier avait aussi pour mission de protéger les morts, une fonction en opposition directe avec le désordre incarné par Seth.
De ses rivalités avec Horus à son rôle contradictoire de protecteur et perturbateur, Seth est sans conteste une des figures les plus complexes de la mythologie égyptienne. Il est à la fois aimé et redouté, vénéré et vilipendé. Cette dualité est le reflet d’une société égyptienne qui cherchait à comprendre et apprivoiser le chaos inhérent à la nature et à la vie elle-même.