Anubis, dieu des morts et de l’embaumement, était bien plus qu’une simple divinité funéraire. Avec sa tête de chacal, ce dieu énigmatique en charge du passage vers l’au-delà, était et demeure encore à ce jour l’une des divinités les plus reconnaissables de l’Égypte ancienne. Entre légendes et croyances religieuses de temps anciens, redécouvrez ce personnage mythique.
I. La naissance d’Anubis : Entre Osiris et Nephthys
Anubis, connu en égyptien sous le nom d’Inpou, est né de l’union adultérine d’Osiris et de Nephtys. Selon les légendes, Nephtys, épouse de Seth, se métamorphosa en Isis, sa sœur, pour séduire Osiris. De cette union naquit Anubis, un enfant qu’elle abandonna rapidement, craignant que son mari Seth ne découvre son infidélité. Anubis fut cependant trouvé par Isis, qui le recueillit et l’éleva avec amour. Ainsi, bien que délaissé par ses parents biologiques, Anubis fut éduqué par sa tante, la puissante Isis, ce qui lui permit de conserver un lien étroit avec le divin. D’autres versions alternatives existent, notamment celles où des déesses comme Hathor ou Hésat sont mentionnées comme étant sa mère. Le mythe de sa naissance et de son abandon est souvent vu comme une analogie à son rôle en tant que protecteur des morts, veillant sur ceux qui sont laissés à leur sort dans les nécropoles. Il est à noter que son association avec le canidé noir, notamment le chacal, remonte à l’Égypte prédynastique, où les chacals rôdaient autour des cimetières, creusant les tombes et dévorant les cadavres. C’est cette observation qui aurait inspiré l’apparence canine d’Anubis, gardien des morts.
II. Anubis et la pesée des âmes : Le rôle essentiel du dieu des morts
Anubis occupe plusieurs rôles clés dans le panthéon égyptien, tous liés au monde funéraire et à la protection des défunts. L’un de ses titres les plus anciens est celui de « Khenty-imentiu », le premier des Occidentaux, en référence à ceux qui sont enterrés sur la rive ouest du Nil. En tant que dieu de la momification, Anubis est celui qui a exécuté le premier embaumement sur le corps d’Osiris, une action symbolique qui a établi la pratique funéraire en Égypte antique. En plus de ce rôle, il est également connu sous le nom de « Imy-out », littéralement « celui qui est sur le lieu de l’embaumement », renforçant son rôle comme protecteur des rites funéraires.
Anubis est aussi le gardien de la balance, un rôle qu’il joue dans la célèbre scène de la pesée du cœur décrite dans le Livre des Morts. Cette cérémonie, appelée psychostasie, est centrale dans le jugement des âmes. Après la mort d’une personne, son âme, appelée le ka, est guidée par Anubis vers le royaume des morts. Là, elle fait face à une série de défis pour prouver sa pureté et son mérite pour l’au-delà. L’âme arrive devant le tribunal divin, où siège Osiris, le dieu de la mort et de la renaissance, assisté par un conseil de juges divins. La déesse Maât, symbole de la vérité, de l’ordre et de l’équilibre, pose sa plume dans une balance. Dans le jugement, le cœur du défunt est placé sur un plateau de cette balance. L’âme est alors soumise à un interrogatoire, où elle doit déclarer son innocence en affirmant qu’elle n’a pas commis de péchés graves ou de transgressions morales pendant sa vie terrestre. Si le cœur de l’âme est plus léger que la plume de Maât, cela signifie que l’individu a vécu une vie juste et vertueuse. Dans ce cas, Anubis guide l’âme vers la présence d’Osiris pour qu’elle puisse rejoindre les bienheureux dans le royaume des morts, appelé Aaru. Si le cœur est plus lourd que la plume, cela indique que l’âme est chargée de péchés et de fautes. Dans ce cas, l’âme est remise aux démons Ammit (ou Ammout), qui la dévorent, signifiant ainsi une existence éternelle de souffrance et de séparation de l’au-delà. La précision et la neutralité de la balance sont essentielles, et Anubis est vu comme garant de cette justice funéraire, tandis que Thot note méticuleusement le résultat. Ce rôle de juge impartial a fait d’Anubis une figure respectée et crainte.
En plus de ces fonctions, Anubis est également le protecteur des tombes et des nécropoles. En tant que « Tepy-dju-ef » ou « celui qui est sur sa montagne », Anubis veille depuis les hauteurs des cimetières, protégeant les défunts contre les profanateurs et les forces du chaos. Cette protection est illustrée dans une légende où Seth, déguisé en léopard, tente de profaner la dépouille d’Osiris. Anubis le découvre et marque Seth avec un tison brûlant, donnant au léopard ses taches noires. Ce mythe montre comment Anubis se positionne non seulement comme le gardien des morts mais aussi comme leur vengeur.
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III. Amours et descendance
Anubis partage sa vie avec Anput, déesse des funérailles, avec qui il forme une triade divine. Ensemble, ils ont une fille, Qébéhout, qui joue un rôle important dans les rituels funéraires en purifiant les corps des défunts avec de l’eau fraîche. D’autres légendes mentionnent Hésat, la vache céleste, comme une parèdre d’Anubis, soulignant son lien avec la vie après la mort et la régénération. Anubis est également parfois associé à Oupouaout, un autre dieu canin, renforçant son rôle de guide des âmes et de protecteur des nécropoles.
IV. Son rôle dans la résurrection d’Osiris
L’histoire commence avec Osiris, le dieu de la fertilité et du royaume des morts, qui règne sur l’Égypte aux côtés de son épouse, la puissante déesse Isis. Osiris est bien-aimé du peuple égyptien pour sa sagesse et sa bienveillance, mais son frère jaloux, Seth, éprouve de l’envie à son égard. Seth convoite le trône d’Osiris et complotera pour le renverser.
Seth élabore un plan diabolique en fabriquant un coffre magnifique et précieux aux dimensions exactes du corps d’Osiris. Lors d’un banquet royal, Seth propose un jeu, promettant de donner le coffre à quiconque il conviendra le mieux. Bien sûr, le coffre est parfaitement adapté à Osiris, et lorsqu’il s’y allonge, Seth et ses complices le scellent à l’intérieur et le jettent dans le Nil.
Le coffre dérive ensuite sur le Nil jusqu’à ce qu’il atteigne la mer Méditerranée. Pendant ce temps, Isis est dévastée par la disparition de son mari et commence une quête désespérée pour le retrouver. Elle apprend la vérité grâce à sa soeur Nephtys (qui est l’épouse de Seth, vous suivez ? 😉 ) , qui lui révèle l’endroit où le coffre s’est échoué.
Isis localise le coffre et ramène le corps sans vie d’Osiris en Égypte. Elle le cache dans les roseaux des marécages, mais Seth, toujours déterminé à s’emparer du trône, découvre le corps et le démembre en quatorze morceaux qu’il disperse dans tout le pays.
Isis, avec l’aide de sa sœur Nephtys et d’Anubis, le dieu à tête de chacal (et fils adultérin de Nephtys et d’Osiris), entreprend alors une quête épique pour récupérer les morceaux d’Osiris. Ils réussissent à rassembler tous les morceaux, sauf un, le phallus, qu’un poisson dévore.
Grâce à la magie d’Isis, le corps d’Osiris est restauré, et il est ressuscité suffisamment longtemps pour concevoir un fils avec Isis. Ce fils est Horus, qui naît du lien posthume entre Osiris et Isis. Osiris gagne alors le monde des morts dont il devient le roi tandis que son fils chasse son oncle du pouvoir.
Le culte d’Anubis remonte à l’Ancien Empire, où il était le dieu funéraire par excellence avant d’être supplanté par Osiris. Son principal centre de culte était la ville de Cynopolis, appelée « la ville du chien » par les Grecs, en Haute-Égypte. Les prêtres d’Anubis, souvent identifiés par leurs masques de canidés, jouaient un rôle essentiel lors des rituels funéraires. Bien que relégué à un rôle secondaire après l’avènement d’Osiris, Anubis a toujours été une figure populaire, tant pour les Égyptiens que pour d’autres cultures. Sous l’influence grecque, il fut associé à Hermès, créant ainsi la divinité composite Hermanubis. Anubis a inspiré la crainte et le respect, non pas comme un dieu infernal, mais comme un protecteur bienveillant des défunts.