Parmi les héroïnes de la mythologie celtique, le nom de Rhiannon revient sans cesse. Héroïne légendaire, son récit résonne à travers les âges, mêlant mystères et exploits. Découvrons aujourd’hui ce symbole féminin de la royauté celte ainsi que les épreuves qui ont jalonné sa vie.
I. Les Origines de Rhiannon
Rhiannon est une figure majeure de la mythologie celtique galloise, son nom dérivant de Rigantona, qui signifie « Grande Reine ». Elle est associée à la souveraineté, incarnant des aspects liés à la fertilité, la régénération, et la royauté. Rhiannon apparaît principalement dans deux branches du Mabinogion : « Pwyll, prince de Dyved » et « Manawydan fils de Llyr ». Ces récits mythologiques montrent qu’elle est une figure féminine puissante liée à l’autre-monde, dont la présence garantit la prospérité du royaume.
Par son mariage avec Pwyll, elle représente une forme d’hiérogamie, une union sacrée entre le roi et la souveraineté incarnée. De nombreux aspects de son caractère rappellent la déesse Épona, vénérée chez les Celtes comme protectrice des chevaux et figure de fertilité.
II. Les légendes qui lui sont associées : L’enlèvement de Pryderi et La vengeance de Gwawl
Rhiannon, figure clé de la mythologie galloise, est au centre de deux grandes légendes dans les Mabinogion : l’enlèvement de Pryderi et la vengeance de Gwawl, qui mettent en lumière les thèmes de l’injustice, de la vengeance et de la rédemption.
A. L’enlèvement de Pryderi
Après son mariage avec Pwyll, prince de Dyved, Rhiannon donne naissance à un fils, Pryderi. Mais cette naissance miraculeuse, attendue depuis longtemps, est rapidement suivie par un drame. La nuit de sa naissance, Pryderi est mystérieusement enlevé, et les servantes chargées de veiller sur lui, terrifiées à l’idée d’être tenues pour responsables, inventent une histoire terrible : elles prétendent que Rhiannon a dévoré son propre enfant. Pour rendre leur mensonge crédible, elles étalent du sang autour de Rhiannon endormie et placent des ossements d’animaux à côté d’elle, la présentant ainsi comme une infanticide.
Accusée à tort, Rhiannon est condamnée à une punition humiliante, influencée par les ajouts chrétiens au récit d’origine celtique. Pendant sept ans, elle est forcée de se tenir aux portes de la ville de Narberth, racontant à chaque visiteur son crime supposé et les portant sur son dos comme une bête de somme pour les faire entrer dans la ville. Cet épisode souligne l’injustice dont Rhiannon est victime et sa grande résilience face à une situation cruelle. Après quatre ans de souffrance, la vérité éclate grâce à Teyrnon Twryf Lliant, un seigneur voisin.
Chaque année, la jument de Teyrnon donnait naissance à un poulain, mais celui-ci était systématiquement enlevé par une créature monstrueuse. Une nuit, Teyrnon parvient à tuer le monstre, et à sa grande surprise, il découvre un enfant nouveau-né dans l’écurie. Lui et sa femme adoptent cet enfant, qu’ils nomment Gwri Gwallt Euryn, en raison de sa chevelure dorée. En grandissant, les traits de l’enfant révèlent son origine noble, et Teyrnon réalise que l’enfant n’est autre que Pryderi, le fils disparu de Pwyll et Rhiannon. Après cette découverte, Pryderi est restitué à ses parents, prouvant ainsi l’innocence de Rhiannon. Ce retournement de situation met fin à sa pénitence et rétablit sa réputation.
B. La vengeance de Gwawl
La deuxième grande légende liée à Rhiannon concerne Gwawl, un prétendant rejeté, et sa quête de vengeance. Avant d’épouser Pwyll, Rhiannon avait été promise à Gwawl, un homme de haut rang. Mais elle tombe amoureuse de Pwyll et décide de se marier avec lui. Lors de leur première rencontre, Rhiannon est décrite comme chevauchant un magnifique cheval blanc, apparaissant devant Pwyll à Narberth. Fasciné par sa beauté et sa majesté, Pwyll poursuit la cavalière pendant plusieurs jours, sans succès. Ce n’est que lorsqu’il l’appelle qu’elle s’arrête, révélant son amour pour lui et son désir de l’épouser, à condition qu’il soit prêt à attendre un an.
Le mariage est fixé, mais Gwawl, furieux d’avoir été éconduit, utilise la ruse pour piéger Pwyll. Lors du banquet nuptial, il réclame Rhiannon en mariage en vertu de l’accord initial avec son père. Mais Rhiannon et Pwyll, avec l’aide de ruses magiques et un sac enchanté, réussissent à le capturer. Gwawl est enfermé dans le sac jusqu’à ce qu’il accepte de renoncer à Rhiannon et à sa vengeance. Libéré, Gwawl promet de ne plus chercher à nuire, mais il n’en reste pas moins rancunier.
Après la mort de Pwyll, Rhiannon épouse Manawyddan Fab Llyr, un allié de son fils Pryderi. Gwawl n’a pas oublié l’affront, et dans un acte de vengeance, il jette un sort sur le royaume. Un brouillard magique dévaste la région, la rendant stérile et isolée, laissant seuls en vie Rhiannon, Manawyddan, Pryderi, et sa femme Kigva. Alors que le groupe lutte pour survivre, un jour, poursuivant un mystérieux sanglier blanc, Pryderi et Rhiannon tombent dans un piège magique. Ils sont enchaînés à une fontaine dans un château évanescent, et celui-ci disparaît dans la tempête qui suit.
Manawyddan, grâce à son ingéniosité, parvient à lever la malédiction en capturant une souris géante qui dévore ses récoltes. Lorsqu’il menace de la pendre, plusieurs figures importantes viennent tenter de racheter la vie de la souris. Manawyddan finit par apprendre que la souris est en réalité l’épouse de Llwyd, un ancien allié de Gwawl. Ce dernier a orchestré toute la machination pour se venger de l’humiliation subie par son ami. Manawyddan, en négociant astucieusement la libération de Rhiannon et Pryderi, ainsi que la levée de l’ensorcellement sur le royaume, met fin à la malédiction, ramenant la paix dans le Dyved.
III. Les Amours et Descendance
Comme nous venons de le voir, Rhiannon est surtout connue pour ses deux mariages et son rôle de mère. Son premier époux est Pwyll, prince de Dyved, qu’elle choisit elle-même après avoir refusé de se marier avec Gwawl, un prétendant imposé par son père. Leur union est symboliquement riche, incarnant la fusion entre le royaume et la souveraineté féminine. Ensemble, ils ont un fils, Pryderi, dont la disparition et le retour miraculeux ajoutent une dimension tragique et mystique à son histoire.
Après la mort de Pwyll, Rhiannon se remarie avec Manawyddan Fab Llyr, un allié de son fils Pryderi et membre d’une puissante lignée royale. Bien que ce mariage soit marqué par les malédictions de Gwawl, il reste une union puissante, marquée par des épreuves et des souffrances, mais également par une réaffirmation de la force de Rhiannon en tant que reine et mère.
IV. Les Querelles et Légendes
Comme toute figure mythique, Rhiannon fut également mêlée à des querelles et des intrigues divines. Son statut de demi-déesse suscitait la jalousie et l’envie chez certains, et elle dut souvent affronter des ennemis redoutables. Mais sa force intérieure et sa détermination inébranlable lui permirent de surmonter tous les obstacles, faisant d’elle une figure indomptable de la mythologie celtique.
Les épreuves divines auxquelles Rhiannon fut confrontée firent d’elle une icône de résilience et de courage. Que ce soit face à des ennemis mortels ou à des forces surnaturelles, elle resta toujours fidèle à ses convictions et à son devoir envers son peuple. Sa légende continua de croître au fil des siècles, inspirant ceux qui cherchaient la lumière dans les ténèbres.
Rhiannon a continué à inspirer l’imaginaire moderne, particulièrement en tant qu’archétype de la déesse-mère et figure féminine forte. Sa capacité à traverser l’adversité avec dignité et patience la rend emblématique de la résilience féminine. Elle est régulièrement citée dans les œuvres littéraires modernes et est devenue une figure clé du mouvement néo-païen, qui voit en elle une incarnation de la puissance féminine et de la souveraineté. Son nom et son histoire ont influencé la musique, notamment la célèbre chanson « Rhiannon » de Stevie Nicks de Fleetwood Mac, qui évoque son pouvoir mystique et ses associations avec les chevaux, la liberté, et la magie.