Personnage aussi redouté que fascinant, Mordred incarne le traître ultime dans la légende arthurienne. Chevalier de la Table Ronde, mais également fils illégitime du roi Arthur dans certaines versions des récits, il est l’archétype du rebelle et du rival. Son nom évoque trahison, conspiration et fin d’un règne légendaire. Découvrez ses origines, ses relations tumultueuses avec Arthur, ses alliances, et le rôle décisif qu’il a joué dans la chute de Camelot…
I. Les Origines de Mordred
Les origines de Mordred varient selon les récits, mais une version courante le décrit comme le fils illégitime du roi Arthur et de sa demi-sœur Morgause, souvent confondue avec Morgane. Cet acte, commis dans l’ignorance de leur lien de parenté, marque la naissance de Mordred sous une étoile sombre, prédestinée au chaos. Le nom de Mordred lui-même est lourd de significations ; il signifie « modéré », mais sa vie sera tout sauf tempérée. Cette naissance, entourée de présages et d’avertissements, annonce un destin sombre.
Dans plusieurs versions, Merlin, le grand magicien et conseiller d’Arthur, prophétise que Mordred serait la cause de la chute de Camelot. Conscient de la menace, Arthur, dans certains récits, prend des mesures drastiques : il ordonne la mise à mort de tous les nouveau-nés nés ce même jour, espérant ainsi échapper à la prophétie. Mordred, malgré les tentatives de son père, survit et est finalement recueilli et élevé par sa mère.
Mordred grandit loin de Camelot, élevé dans le petit royaume d’Orcanie. Il est présenté comme un enfant prometteur, doté d’une grande intelligence et d’un charme naturel, mais marqué par une haine sourde envers son père et le monde arthurien. Sa condition de bâtard, fruit d’un inceste, le place à la marge de la société chevaleresque qui valorise le lignage noble et légitime. Ce rejet contribue à forger un esprit cynique et manipulateur. Mordred développe une ambition démesurée : il sait qu’il est le fils du roi et rêve de revendiquer ce qu’il estime être son dû, quitte à utiliser des moyens déloyaux. Son enfance, loin d’être celle d’un héros chevaleresque, le prépare à devenir l’antagoniste idéal d’Arthur et l’instrument de la destruction de la Table Ronde.
Les premiers récits gallois, notamment dans le texte médiéval du Historia Regum Britanniae de Geoffrey de Monmouth, parlent de Mordred comme un fils d’une noble lignée.
II. La Jeunesse de Mordred et ses Premières Alliances
A. Formation auprès des Chevaliers de la Table Ronde
Lorsque Mordred arrive à Camelot, il se présente comme le neveu d’Arthur, dissimulant pour un temps la vérité sur ses origines. Arthur, malgré la prophétie de Merlin, l’accueille avec honneur, le fait adouber chevalier et lui accorde une place à la Table Ronde. Cette décision, marquée par la noblesse et le sens du devoir d’Arthur, sera l’une des plus tragiques de son règne. Mordred joue habilement le rôle d’un chevalier honorable au début, gagnant la confiance de la cour. Mais ses vices le rattrapent rapidement (comme nous le verrons plus tard).
Il grandit en apprenant les codes de la chevalerie et les valeurs de la Table Ronde, pourtant, dès son plus jeune âge, il ressent une distance par rapport aux autres chevaliers. Son statut de fils illégitime l’écarte de la lignée principale, et cette frustration nourrit en lui un désir de reconnaissance et de pouvoir. Dans les écrits médiévaux, Mordred est souvent représenté comme un chevalier aussi talentueux que les autres, mais son esprit se distingue par un pragmatisme et une ambition plus sombres.
Il est dit que Mordred possédait les qualités des plus grands chevaliers d’Arthur : la force, la bravoure, et même un certain charisme qui lui permettait de rallier à lui d’autres chevaliers. Son intelligence et son sens de la stratégie le rendent redoutable. Cette formation le prépare non seulement au combat, mais aussi à jouer un rôle de premier plan dans les luttes de pouvoir qui secoueront Camelot.
B. Une Relation Tendue avec le Roi Arthur
La relation entre Mordred et Arthur est complexe et contradictoire. Bien que Mordred soit son fils, Arthur garde une certaine méfiance à son égard. Cette méfiance, que Mordred perçoit dès son plus jeune âge, attise une amertume et un sentiment de rejet. Arthur, conscient de la prophétie qui entoure son fils, est incapable de lui accorder la confiance qu’il témoigne aux autres chevaliers de la Table Ronde. Et à juste titre… À la Table Ronde, Mordred enfreint systématiquement les codes de chevalerie. Il triche lors des tournois, néglige les règles de courtoisie, et se montre opportuniste et perfide. Son comportement séducteur exacerbe encore sa réputation : il courtise sans vergogne les femmes mariées, semant le trouble parmi les chevaliers. Il est également un maître manipulateur. Il exploite les failles du royaume affaibli par la quête du Graal pour instiller la discorde. À une époque où les idéaux chevaleresques commencent à s’éroder, Mordred incarne une force destructrice, un chevalier antipathique qui sape les fondations de la Table Ronde de l’intérieur. Son ambition de s’emparer du trône d’Arthur devient de plus en plus évidente, annonçant les conflits qui suivront.
III. La trahison de Mordred
La trahison de Mordred est l’élément central de sa légende et marque le début de la fin pour la société arthurienne. Lorsque le roi Arthur part en campagne en Gaule pour affronter l’empereur Lucius, il confie à Mordred la régence de son royaume. Ce choix se révèle désastreux. Profitant de l’absence du roi, Mordred s’autoproclame roi de Camelot et usurpe la couronne. Il va plus loin en revendiquant la main de Guenièvre, la reine, et en prétendant l’épouser, brisant ainsi les lois de la chevalerie et de la féodalité. Les récits divergent : certains décrivent Guenièvre comme consentante, tandis que d’autres insistent sur son opposition à ce mariage forcé. Dans tous les cas, le bâtard d’Arthur utilise ce stratagème pour légitimer son pouvoir.
Sa trahison ne s’arrête pas à l’usurpation. Il forme une alliance avec les ennemis traditionnels d’Arthur, les Pictes, les Gaëls et les Saxons, consolidant son pouvoir par la force militaire. À son retour en Bretagne, Arthur découvre un royaume déchiré et une armée dirigée par son propre fils. Mordred incarne alors le parricide et le félon ultime, transgressant les liens sacrés entre un roi et son héritier. Cette rébellion est bien plus qu’un affront personnel : elle symbolise la chute des idéaux chevaleresques et l’effondrement de la société arthurienne.
La confrontation entre Arthur et Mordred atteint son paroxysme lors de la bataille de Camlann. Cet affrontement est présenté comme un combat apocalyptique, opposant un père à son fils dans une lutte sans merci. Mordred se bat avec férocité, infligeant des pertes considérables aux troupes d’Arthur. Les récits soulignent la violence et l’intensité du combat : Camelot est en flammes, et les champs de bataille sont jonchés de cadavres. Finalement, Arthur et Mordred se retrouvent face à face dans un duel final. Mordred, fidèle à son rôle de traître, parvient à porter un coup mortel à son père. Mais Arthur, dans un dernier acte de vengeance, lui assène un coup fatal.
La mort de Mordred scelle la fin de la Table Ronde et marque la chute de l’idéal arthurien. Arthur, mortellement blessé, est transporté à Avalon pour y être soigné, tandis que Camelot sombre dans le chaos. Mordred, quant à lui, est rejeté par l’histoire comme un personnage méprisable. Pourtant, il joue un rôle clé : il n’est pas seulement un traître, mais le catalyseur d’un drame tragique qui clôt le cycle arthurien. Sa mort, bien qu’infamante, réalise le destin prophétisé par Merlin, laissant un royaume en ruine et une légende éternelle.