Représentation de La Dame du Lac, héroïne de la mythologie celtique - AI generated
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Les fées jouent un rôle central dans le merveilleux arthurien, oscillant entre bienveillance et malice. Ces créatures mystiques, descendant des nymphes et des déesses de l’Antiquité, se manifestent aux chevaliers errants dans les forêts profondes et les châteaux isolés. Sous des apparences variées, elles mettent à l’épreuve la bravoure et la vertu des héros. Issues des traditions antiques, elles éprouvent les héros des légendes, les guidant ou les égarant. Parmi ces êtres surnaturels, aux pouvoirs mystérieux et souvent fatals, la Dame du Lac, connue sous les noms de Viviane, Niniène ou Niniane, occupe une place de choix dans les légendes de la Table Ronde. Découvrez aujourd’hui son rôle dans les légendes arthuriennes.

I. Les Origines de la Dame du Lac

L’apparition de Viviane dans le Lancelot en prose permet d’explorer les origines des fées sous un angle historique. À cette époque, les femmes versées dans les charmes et les enchantements étaient appelées fées. Il y en avait particulièrement en Grande-Bretagne, plus qu’ailleurs. Selon les récits, ces femmes connaissaient les secrets des paroles magiques ainsi que les propriétés des pierres et des herbes, leur permettant de maintenir leur jeunesse et leur beauté et de posséder autant de richesses qu’elles le souhaitaient.

Cette tradition remonte à l’époque de Merlin, le prophète des Bretons, qui maîtrisait toutes les sciences occultes, qu’elles viennent des diables ou de Dieu. Merlin était à la fois craint et vénéré, au point d’être surnommé le saint prophète. Viviane, la demoiselle du conte, acquit toute sa connaissance magique auprès de Merlin, utilisant souvent la ruse pour y parvenir.

II. Viviane et Merlin

Merlin rencontre Viviane, également connue sous le nom de Niniène, lorsqu’elle n’a que douze ans, près d’une fontaine en Petite-Bretagne. Demoiselle chasseresse, incarnation de la déesse Diane, elle est décrite dans les textes moyen-âgeux comme la fille d’un seigneur breton. Envoûté par son charme, Merlin lui enseigne son art et sa magie, malgré sa connaissance de l’issue tragique de cette relation. Viviane, en retour, promet de devenir son amie mais, en découvrant l’origine sombre des pouvoirs de Merlin, elle se méfie de lui et refuse son amour.

Grâce à l’enseignement de Merlin, Viviane apprend des enchantements puissants, tels que l’endormissement forcé et l’utilisation d’objets magiques pour manipuler les perceptions. Elle utilise ces connaissances pour emprisonner Merlin dans une tour invisible, souvent décrite comme « sans mur et sans fer », ou parfois dans une tombe magique. Selon certaines légendes, les plaintes de Merlin enfermé résonnent encore dans la forêt de Brocéliande.

Merlin est dépeint dans ces récits comme un homme dominé par son amour pour Viviane. Dépouillé de sa magie, il se soumet finalement à la volonté divine, disparaissant seulement après avoir établi le royaume d’Arthur et confié à ce dernier la mission de représenter la Chrétienté. Dans une des nombreuses variantes, Merlin, captivé par les charmes de Viviane, lui enseigne presque tous ses secrets. Viviane utilise ensuite un voile magique pour envoûter Merlin et le maintenir éternellement sous son contrôle. En fin de compte, elle l’emprisonne dans une tour de verre ou une grotte, selon les versions. Une autre histoire suggère que Viviane cause la mort de Merlin pour protéger sa propre virginité, utilisant ses connaissances magiques pour l’enterrer vivant.

Après la mort de sa mère Ygraine, Viviane prend soin de Morgane (demie-soeur d’Arthur, voire soeur, selon certains textes), en faisant d’elle une magicienne redoutable, tandis que Merlin s’occupe de l’éducation d’Arthur. Dans certains récits, Morgane et Viviane ne sont pas alliées mais plutôt rivales, chacune utilisant sa magie à des fins opposées : Viviane pour protéger Arthur et Morgane pour chercher sa perte et celle de sa femme, la reine Guenièvre.

III. Viviane et Lancelot (Du Lac)

Viviane, la fée de Brocéliande, résidait à Darnantes et à Briosque, des lieux féeriques peuplés de créatures fantastiques comme les dragons. Après la mort du roi Ban de Bénoïc, elle enleva son fils Lancelot encore enfant et l’emmena au plus profond de son Lac, également connu sous le nom de Lac de Diane (rappelez-vous qu’on a fait de cette fée l’incarnation de Diane la Chasseresse dans certains textes). Là, Viviane éleva Lancelot jusqu’à ses dix-huit ans, lui enseignant les arts, les lettres, la sagesse et le courage, façonnant ainsi un chevalier accompli. Elle le conduisit ensuite à Camelot, où il fut adoubé et devint un membre éminent des chevaliers de la Table Ronde. Elle n’approuva jamais l’amour de son fils adoptive pour la reine Guenièvre.

IV. Viviane et Arthur

Une autre intervention décisive de Viviane, la Dame du Lac, est le don d’Excalibur à Arthur, sur la demande de Merlin. Cette épée magique, surpassant toutes les autres, rend le roi presque invincible. Son fourreau, richement ouvragé, a le pouvoir de protéger son porteur des blessures infligées par ses ennemis. Avec Excalibur, Arthur est exceptionnellement bien équipé pour les batailles, faisant de Viviane une alliée précieuse et un atout majeur pour son règne.

À la fin de sa vie, avant de rejoindre l’Autre Monde avec sa sœur Morgane, Arthur veille à ce qu’Excalibur soit retournée à Viviane. Il demande à l’un de ses chevaliers de jeter l’épée dans le lac. Bien que réticent à se séparer d’une arme si magnifique, le chevalier se plie à la volonté du roi pour lui assurer la paix. Ainsi, ce dernier symbole des temps aventureux, où la magie et le merveilleux dominaient, disparaît du monde des hommes.

Viviane, contrairement à Morgane, a toujours été perçue comme une figure bienveillante dans les légendes arthuriennes. Elle a constamment soutenu le roi Arthur et la Table Ronde, aidant à la réalisation de leur idéal chevaleresque. Toutefois, en tant que fée, elle agissait principalement pour servir ses propres intérêts et orchestrer le destin. Viviane n’a pas hésité à enlever Lancelot pour l’élever selon ses propres desseins, sans compassion pour la douleur de sa mère. De même, elle a emprisonné Merlin, privant Arthur de son meilleur conseiller, une décision qu’elle jugeait nécessaire pour le destin qu’elle avait en vue. Ces actions montrent que, bien que ses objectifs aient souvent servi une cause juste, ses méthodes étaient souvent impitoyables. Elle a grandement contribué à la réalisation de la Table Ronde et à la quête du Graal, aidant Arthur à instaurer un royaume fondé sur les valeurs chevaleresques et chrétiennes. Maisce même processus a conduit à l’éclipse de la magie par la foi chrétienne, marquant la fin d’une ère féerique. À la fin de la légende, Viviane choisit de disparaître avec Merlin et les autres éléments magiques, signalant la transition du monde merveilleux de Bretagne à un monde dominé par la foi et la raison. Avec la mort du roi Arthur, Viviane emporte les dernières traces de magie, laissant un monde désormais façonné par la chrétienté, où les mystères et les prodiges deviennent invisibles.