A la fois reine pieuse de la mythologie celtique et manipulatrice à l’origine de la chute des chevaliers de la Table Ronde, Guenièvre nourrit les légendes à travers les âges. Symbole de l’amour courtois, sa liaison avec Lancelot du Lac impactera le destin d’Arthur, de ses chevaliers et l’issue de la quête du Graal. Découvrons les origines et le mythe de Guenièvre.
I. Les Origines de Guenièvre
Guenièvre, également connue sous le nom gallois de Gwenhwyfar, est intimement liée à la féerie celte en tant que fille du roi Léodagan de Carmélide. Selon certaines versions, elle est associée à Gwythyr ap Greidawl, un dieu de l’Autre Monde de la mythologie celtique galloise. D’autres récits, tels que celui de Geoffroy de Monmouth, la décrivent comme la fille d’un riche romain placée sous la tutelle de Cador, duc de Cornouaille.
Son mariage avec le roi Arthur est le fruit d’une rencontre fortuite alors qu’Arthur accourait à son secours. Leur union est troublée par l’arrivée de Lancelot du Lac, amorçant ainsi une relation adultère qui reste secrète jusqu’à ce qu’elle soit révélée par Agravain et Mordred. Sous la pression de ces derniers, Arthur condamne Guenièvre à être brûlée sur le bûcher, mais Lancelot la sauve in extremis. Après une série d’événements tumultueux, incluant la mort de Gaheris et Gareth au combat et la confrontation finale entre Arthur et Mordred à Camlann, Guenièvre se retire dans un couvent pour y passer le reste de ses jours, tandis qu’Arthur est emmené à Avalon par Morgane.
II. Son enlèvement
Geoffrey de Monmouth relate l’enlèvement de Guenièvre. Pendant l’absence d’Arthur, confiée à son neveu Mordred, Guenièvre succombe à ses avances et l’épouse. Mordred s’autoproclame alors roi, usurpant le trône d’Arthur. À son retour en Grande-Bretagne, Arthur engage la bataille désespérée de Camlann contre Mordred dans l’espoir de récupérer son royaume.
Dans « Lancelot, le chevalier à la charrette » de Chrétien de Troyes, Guenièvre est enlevée par Méléagant, et c’est Lancelot qui vient à son secours, dévoilant ainsi leur passion interdite.
III. Guenièvre et Lancelot
Dès le début, son union avec Arthur est troublée par l’arrivée de Lancelot du Lac. Alors que leur liaison restait secrète, tout se passait pour le mieux. Mais les jeunes tourtereaux ne purent s’empêcher des gestes d’affection plus évidents. Les soupçons se portèrent alors sur eux, forçant Arthur à agir contre sa femme et son fidèle ami. Alors que Lancelot parvient à s’échapper avant d’être capturé, Guenièvre est emmenée et condamnée à être brûlée vive, malgré l’objection de Gauvain. Arthur, sachant que Lancelot viendra la sauver, mobilise son armée pour le poursuivre, laissant Guenièvre sous la garde de Mordred, qui finit par trahir Arthur et tenter de s’emparer du pouvoir. Lorsque Lancelot vient au secours de Guenièvre, un violent affrontement éclate entre ses hommes et ceux d’Arthur. Au cours de la bataille, Lancelot abat la plupart des hommes d’Arthur, incluant les trois frères de Gauvain, et emmène la reine au château de la Joyeuse Garde. Puis, réalisant l’enlèvement de la reine, Arthur combat Mordred et Lancelot part à la recherche de son âme soeur.
Un autre mythe bien plus légendaire explique la révélation des sentiments de la reine pour lancelot : alors que la cour du roi Arthur célèbre en grande pompe le jour de l’Ascension, un chevalier intrépide Méléagant, fils du roi de Gorre, fait irruption et enlève la reine. Gauvain, neveu d’Arthur, se lance aussitôt à la poursuite du ravisseur. En chemin, il croise un mystérieux chevalier déjà en quête. On découvrira plus tard que ce chevalier est Lancelot (à ce stade, Lancelot ne faisait pas encore partie de la Table Ronde). Un nain surgit alors et leur propose de retrouver la reine à condition de monter dans sa charrette, acte qui serait considéré comme une déchéance à l’époque (la charette était réservée pour les condamnés et prisonniers). Bien que réticent, le chevalier mystérieux finit par accepter. Gauvain et Lancelot arrivent finalement devant un château où ils sont accueillis par deux jeunes filles. Ces dernières les avertissent que seul un homme pur pourra dormir dans le lit qu’elles offrent. Lancelot accepte le défi et s’endort… jusqu’à ce qu’une lance enflammée, tombant du plafond, le réveille. Heureusement, il n’est que légèrement blessé et peut se rendormir paisiblement.
Le lendemain, les deux chevaliers reprennent leur route ensemble. Ils rencontrent une femme qui leur annonce qu’ils vont devoir passer une épreuve difficile : choisir entre le Pont sous l’Eau et le Pont de l’Épée pour atteindre le pays de Gorre. Après que Gauvain a choisi le premier, la femme leur demande une promesse de récompense ultérieure. Optant pour le Pont de l’Épée, Lancelot doit affronter le gardien du gué. Il le vainc, mais refuse de le tuer, sur demande de la demoiselle. Alors qu’ils poursuivent leur chemin, Lancelot se retrouve face à une autre femme qui lui offre l’hospitalité en échange d’une relation intime. Bien que réticent, Lancelot accepte. Après le dîner, la jeune femme est sur le point d’être agressée par des hommes, mais Lancelot la sauve in extremis, évitant ainsi de devoir lui accorder ses faveurs. Le troisième jour, Lancelot continue son voyage en compagnie de la femme, qui lui demande de la protéger. Près d’une fontaine, ils découvrent un peigne orné de cheveux appartenant à la reine. Lancelot garde les cheveux (de la reine, je précise… il y a peu de chance que les chevaliers de l’époque se soucient d’une calvitie naissante 😉 ), la femme garde le peigne.
Poursuivant leur route, ils rencontrent le prétendant de la femme, qui provoque Lancelot en duel. Ils se dirigent vers une clairière appelée le Pré aux Jeux pour combattre. Là, Lancelot est reconnu comme le chevalier à la Charrette. Le duel est sur le point de commencer lorsque le père du prétendant intervient, demandant que le combat soit différé en signe de respect. Lancelot et la femme poursuivent leur chemin jusqu’à arriver dans un cimetière appelé le Cimetière futur, où Lancelot voit les tombes de ses compagnons et la sienne, une dalle réputée impossible à porter par un homme. Peu après, Lancelot rencontre un homme et son écuyer, qui lui apprennent que les prisonniers de Logres se sont révoltés en apprenant que leur libérateur était en route. Les trois hommes sont faits prisonniers, mais Lancelot parvient à s’échapper grâce à un anneau magique donné par une fée dans son enfance, qui le rend invisible. Après avoir vaincu le chevalier Orgueilleux qui le provoquait, Lancelot arrive finalement au Pont de l’Épée, le sixième jour de son voyage, malgré ses blessures.
Le septième jour, il affronte enfin Méléagant sous les yeux de la reine, qui l’observe depuis sa fenêtre. Toutefois, le père de Méléagant, Bademagu, obtient finalement que le combat soit reporté à la cour d’Arthur, permettant ainsi à Guenièvre d’être mise en sécurité et libérée sans violence. Un quiproquo s’annonce : Lancelot, pensant partir à la recherche de Gauvain, est en réalité capturé. Une rumeur se répand : Lancelot du Lac serait mort. Désespérée, la reine prend conscience de ses sentiments. Pendant ce temps, Lancelot croit également que la reine est décédée et tente de se suicider. Ses amis le sauvent et l’emmènent chez Baudemagu, où il découvre la vérité : la reine l’aime. Dans le secret de la nuit, Lancelot et la reine partagent enfin leur amour. Le matin du dixième jour, Méléagant découvre les draps tachés de sang de la reine et accuse le sénéchal Keu. Lancelot doit se battre contre lui dans un combat judiciaire, mais le roi intervient finalement pour interrompre le duel. Lancelot repart alors à la recherche de Gauvain, mais tombe dans un piège tendu par Méléagant et est de nouveau capturé (pas très futé, le Lancelot ! ). Ses amis partent à sa recherche mais échouent à le retrouver. Tous retournent à la cour d’Arthur, trompés par un faux message. Entre-temps, en l’absence de la reine, les dames décident d’organiser un tournoi pour choisir leurs maris parmi les participants. Lancelot, retenu chez le sénéchal de Méléagant, est libéré en secret par la sœur de ce dernier, amoureuse de lui. Il participe alors aux joutes incognito et remporte le tournoi. Méléagant le fait emmurer dans une tour isolée au bord de la mer (décidément…). Il se rend ensuite à la cour d’Arthur pour défier Lancelot à terminer leur duelmaintes fois reportés, sûr que Lancelot ne se présentera pas et qu’il pourra être déclaré vainqueur. La sœur de Méléagant part à la recherche de Lancelot et le retrouve à temps.
IV. La fin de Guenièvre
Dans la première version de son enlèvement, des dissensions apparaissent au sein des chevaliers de la Table Ronde. La confrontation finale entre Arthur et Mordred à Camlann marque la fin de l’âge d’or de la chevalerie. Peu de chevaliers survivent à cette bataille, et Arthur est mortellement blessé. Guenièvre se retire alors dans un couvent à Amesbury où elle meurt peu après. Certains pensent qu’elle est enterrée à Glastonbury, près de la tombe d’Arthur.
Dans d’autres textes, Arthur affronte Mordred lors de la bataille de Camlann. Bien qu’ayant promis son aide, Lancelot n’arrive jamais. Arthur tue Mordred mais est gravement blessé, et la plupart des autres chevaliers d’Arthur trouvent la mort. Après avoir remis Excalibur à la Dame du Lac, Bédivère aide Arthur à rejoindre Avalon (en compagnie de Morgane?). Guenièvre entre alors dans un couvent, consacrant le reste de sa vie au service des autres. Elle y mourra. Elle ne revoit Lancelot qu’une seule fois après son retour auprès d’Arthur, pour lui faire ses adieux et lui annoncer son intention de renoncer au monde. Lancelot n’y survivra pas et se laissera mourir de chagrin.
A part dans la série Kaamelott, où le personnage n’est vraiment pas épargné, Guenièvre reste dans la plupart des textes un symbole de l’amour courtois. Qu’on l’accuse de trahison, adultère ou encore d’être à l’origine de la fin des aventures des chevaliers de la Table Ronde, elle demeure une source intarissable d’inspiration pour les aventures chevaleresques.