Dans la mythologie celtique, certains personnages se démarquent par leur lien intime avec la nature et les animaux. Parmi eux, Epona, la déesse des chevaux, occupe une place particulière. Elle est à la fois gardienne des cavaliers, protectrice des voyageurs et symbole de fertilité. Mais qui était vraiment Epona ? Pourquoi son culte s’est-il étendu bien au-delà des terres celtiques ? Découvrons ensemble ses légendes, ses pouvoirs et les raisons pour lesquelles elle demeure une figure celte clé.

I. Epona, la déesse des chevaux et des cavaliers
Épona est l’une des rares divinités celtiques dont le nom et le culte ont traversé les siècles, conservés grâce à l’iconographie gallo-romaine et les inscriptions latines. Son nom vient du gaulois epos, « cheval », combiné au suffixe -ona, qui implique une grandeur ou une autorité féminine : elle est littéralement « la Grande Jument ».
Cette déesse est indissociable du cheval, un animal sacré chez les Celtes, symbolisant à la fois la puissance militaire, la fertilité et le lien entre les mondes. On retrouve Épona dans des centaines de représentations à travers l’Europe celtique, souvent assise sur une jument ou entre deux chevaux, tenant parfois une corne d’abondance, une patère, ou une corbeille de fruits, tous attributs liés à l’abondance et à la fertilité.
Elle est tantôt cavalière, tantôt nourricière, voire psychopompe selon certains bas-reliefs où elle semble guider les âmes. Malgré l’intégration de nombreuses divinités gauloises dans le panthéon romain sous des noms latins, Épona est l’une des rares à avoir conservé son nom d’origine et à avoir été officiellement reconnue dans le calendrier romain, avec une fête fixée au 18 décembre.
II. Le culte d’Epona et son expansion dans l’Empire romain
Le culte d’Epona s’est développé bien au-delà des frontières celtiques, en grande partie grâce à l’influence des légions romaines. Les cavaliers, qu’ils soient d’origine gauloise ou romaine, portaient souvent des amulettes à l’effigie d’Epona pour demander sa protection. Des statues et des bas-reliefs représentant Epona assise entre deux chevaux ont été retrouvés dans toute l’Europe occidentale, de la Bretagne à l’Espagne, témoignant de la popularité de son culte.
Dans la mythologie celtique, le cheval est vu comme un animal sacré, porteur de prospérité et de pouvoir. En tant que déesse des chevaux, Epona est vénérée pour sa capacité à offrir protection et fertilité, tout en étant associée aux cycles de la nature, notamment à la terre, au renouvellement et à la fertilité agricole. Elle est souvent représentée en train de chevaucher un cheval ou de le caresser, ce qui renforce son lien profond avec cet animal noble et divin.
III. Les légendes et querelles associées à Epona
Les récits mythologiques autour d’Épona sont rares, mais une version ancienne et singulière, rapportée par le pseudo-Plutarque à partir d’un ouvrage d’Agésilaos, lui donne une origine atypique. Épona serait née de l’union d’un homme, Fulvius Stellus, misogyne, avec une jument. L’animal mit au monde une fille nommée Épona, que l’on présenta ensuite comme la divinité gardienne des chevaux.
Bien que cette légende d’origine semble teintée d’interprétations plus tardives et non spécifiquement celtiques, elle révèle la nature profondément équine et surnaturelle du personnage. E
n revanche, dans le culte populaire gaulois et gallo-romain, Épona apparaît surtout comme une déesse protectrice, invoquée dans les étables et sanctuaires de relais routiers, souvent par des muletiers, palefreniers et cavaliers. Son rôle de déesse des communications, des transports et de la cavalerie, surtout dans les provinces de l’Empire, est attesté par les nombreuses dédicaces retrouvées dans les casernes militaires et les carrefours. Le fait qu’elle ait conservé une figure autonome et puissante au sein même du culte impérial – avec les titres d’Augusta et de Regina – montre l’importance de sa fonction bien au-delà des mythes oraux ou folkloriques.
IV. Les amours et la descendance d’Epona
Ce qui distingue Épona dans le panthéon celtique est précisément l’absence de tout lien conjugal ou maternel clairement identifié dans les récits traditionnels. Contrairement à d’autres figures féminines mythologiques comme Rhiannon ou Rigantona, souvent associées à des récits d’union, de maternité ou de souveraineté, Épona ne semble pas avoir de partenaire divin ou humain dans les traditions connues.
Cette solitude divine, soulignée par l’archéologue Pierre-M. Duval, renforce son caractère unique dans le panthéon gaulois, où peu de dieux ou déesses apparaissent sans rattachement familial ou hiérarchique. Certains bas-reliefs, comme celui de Beaune, la montrent allaitant un poulain — image que certains interprètent comme une métaphore de fertilité ou de maternité symbolique, et non comme l’illustration d’une véritable lignée divine. Ce poulain pourrait représenter la vie renouvelée, la jeunesse ou même une forme de descendance spirituelle, perpétuée à travers les peuples cavaliers qui lui rendaient hommage.
Épona connaît une renaissance spectaculaire dans la culture populaire contemporaine. Son nom a été repris dans la célèbre saga vidéoludique The Legend of Zelda pour baptiser la monture de Link, symbole de loyauté, de liberté et de force. Elle est également au cœur de récits littéraires comme The Horse Goddess de Morgan Llywelyn ou de chansons du groupe Eluveitie et d’Enya. Dans les milieux néo-païens et wiccans, Épona est régulièrement honorée lors de rituels en lien avec la fertilité, la nature et les cycles de la vie. Protectrice des chevaux mais aussi guide des âmes, elle inspire aujourd’hui encore les artistes, les cavaliers, et les amoureux de la mythologie celtique, témoignant de la pérennité de son archétype à travers les âges.